La toute première ORE de Charente va être signée le 7 septembre prochain. Et pas des moindres puisqu’il s’agit d’un ensemble de plus de 40 ha d’anciennes prairies en vallée de la Charente. Elle est le fruit d’une vente entre deux domaines viticoles du secteur et la volonté d’une préservation écologique par le nouvel acquéreur. La SAFER Nouvelle-Aquitaine, en charge de la vente, ainsi que l’acquéreur ont fait appel au CEN Nouvelle-Aquitaine pour assurer une gestion conservatoire du site. C’est par le biais d’une ORE patrimoniale de 99 ans que l’ensemble va être géré par le CEN. Les engagements du propriétaire reposent principalement sur une gestion extensive de la prairie par une fauche exportatrice pouvant être couplée à un pâturage. Pour se faire, un exploitant agricole a été attribué de l’ensemble des parcelles de l’ORE, au travers d’un bail SAFER, et suivant les recommandations d’un cahier des charges élaboré avec le CEN. Ce dernier quant à lui s’engage à suivre et évaluer la gestion des prairies.
Cette ORE est prénommée « Prairie de Chaussat » car elle se situe en grande majorité dans ce lieu-dit à Saint-Laurent-de-Cognac, au sein du site Natura 2000 « Moyenne Vallée de la Charente », à la limite frontalière avec la Charente-Maritime. Il s’agit d’un secteur de la vallée inondable du fleuve Charente qui dispose des milieux caractéristiques de cet écosystème : boisements alluviaux, prairies humides, mégaphorbiaies et autres habitats aquatiques. Cette prairie était bien connue par les botanistes et notamment par Bruno de Foucault puisqu’elle a permis la description de deux associations végétales de prairies alluviales : Eleocharito palustris – Oenanthetum fistulosae et Senecioni aquatici – Oenanthetum mediae, dans sa thèse sur les prairies hygrophiles des plaines atlantiques françaises au début des années 1980. Ces prairies ont depuis été fortement dégradées dans la vallée de la Charente, comme en témoigne l’exemple de la Prairie de Chez Chaussat, qui a subi le retournement et la mise en culture des prairies permanentes.
Un premier broyage avec export a dû être réalisé l’hiver dernier pour remettre en état les parcelles évoluant en friche et colonisées par les ligneux. Puis l’exploitant agricole a réalisé une fauche tardive à la mi-juillet avec un export des rémanents. Des zones refuges de mégaphorbiaies ont été laissées en bordure de parcelles et seront broyées uniquement tous les 2 à 3 ans. Il s’agira de poursuivre l’entretien annuel par une fauche tardive avec export et avec envisagé par la suite un complément par pâturage bovin.
La localisation des parcelles en bordure de la Charente, l’inondabilité hivernale, et la proximité avec des prairies naturelles, laissent présager une remise en état progressive en prairies humides d’ici quelques années, avec une gestion adaptée. Un inventaire du CBN SA cet été sur le site a déjà mis en évidence un bon cortège d’espèces caractéristiques des zones humides dont la présence de l’Œnanthe fistuleuse. Cette ORE est prometteuse pour devenir un véritable poumon naturel de plus de 40 ha de prairies humides en vallée de la Charente, dans un secteur Charentais malheureusement dégradé.
L’enjeu de l’ORE Prairie de Chaussat repose donc sur la remise en état puis la préservation de prairies méso-hygrophiles à hygrophiles et de la grande richesse faunistique inféodée à ces habitats. Elle pourra alors constituer un véritable refuge pour de nombreuses espèces floristiques et faunistiques mais aussi conférer un rôle d’autoépuration des eaux, de rétention des crues et d’un corridor écologique pour la dispersion des espèces.