Sur les parcelles acquises à Thézac (Lot-et-Garonne) à l’aide du programme Néo-Terra de la Région Nouvelle-Aquitaine, le Conservatoire a observé une espèce peu courante : la Zygène des garrigues. Cette première mention régionale atteste de la dynamique du changement climatique avec la remontée progressive des espèces méditerranéenne, un nouveau défi à anticiper pour la gestion de nos espaces naturels.

La Zygène des garrigues (Zygaena erythrus, Hübner 1806), est un hétérocère (papillon de nuit) de la famille des Zygènes, d’affinité midi méditerranéenne et subméditerranéenne. Observée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, cette mention étend l’aire de distribution connue de l’espèce vers l’Ouest. Cette découverte opportuniste, vient compléter la connaissance sur cette espèce peu connue et peu observée.

Zygaena erythrus – Imago (Alexis Bataille – CEN Nouvelle-Aquitaine)

DÉCOUVERTE DE ZYGAENA ERYTHRUS EN NOUVELLE-AQUITAINE

Début Juillet 2024, lors d’une prospection opportuniste sur les coteaux de Thézac du CEN Nouvelle-Aquitaine, Alexis BATAILLE et Olivier VANNUCCI remarquent une Zygène qui semble bien différente de celles croisées habituellement sur le secteur. Et pour cause, ses couleurs rouge vif sur la marge interne de l’aile antérieure depuis la base jusqu’au tiers, voire la moitié du bord interne permet de la distinguer des autres Zygènes. Il n’y a pas de doute, c’est bien la Zygène des Garrigues.

La découverte de cet individu de Zygaena erythrus sur la commune de Thézac, commune de l’Est du Lot-et-Garonne, en limite avec le Lot, est une première mention pour la Nouvelle-Aquitaine. Cette découverte en compagnie des sympathisant du Collectif d’Observateurs de la Nature et d’Educateurs du Territoire en lien avec le CEN Nouvelle-Aquitaine (CONECT’CEN) a eu lieu lors d’une visite découverte du site de Thézac. Il s’agit de la mention la plus occidentale connue.

La donnée saisie sur Kollect Nouvelle-Aquitaine a été confirmée par naturalistes expert du cortège, notamment Eric DROUET, et transmise au SINP

MENTIONS DE ZYGAENE ERYTHRUS EN FRANCE

L’espèce est bien connue du bassin méditerranéen de la Sicile à la Catalogne. En France (sauf en Corse), ne se rencontre que la sous-espèce pedemontana (LepiNet).

Cette espèce se trouve principalement dans les garrigues, les prairies et pelouses sèches et les zones rocheuses. Il est bien adapté aux environnements méditerranéens, où il est souvent observé butinant des fleurs durant la journée. Ainsi, ses observations ne sont pas rares dans le Sud de la France, son aire de répartition s’étendant sur tout le pourtour méditerranéen étendu en France.

Cette espèce est décrite pour la première fois en 1806 par Jacob Hübner, entomologiste allemand renommé pour ses travaux sur les papillons et les insectes. La description initiale de l’espèce, sous le nom Sphinx erythrus, figure dans ses publications sur les lépidoptères. La donnée française la plus ancienne recensée dans la bibliographie date de 1879 dans le Cantal (M. SAND), mais la donnée considérée comme douteuse a été écartée (F. FOURNIER).

Autre description ancienne de l’espèce en 1952 à Seyssuel dans le Rhône-Alpes.

En dehors de cette première mention Néoaquitaine, l’espèce a également été découverte en Tarn-et-Garonne en 2024 (Françoise RAUZIERES et Jérôme DELMAS ; 3 observations).

Dans le Lot, département limitrophe de cette découverte, l’espèce a été observée pour la dernière fois en 2017 (Oreina).

Répartition des données de Zygaena erythrus en Nouvelle-Aquitaine, France et en Europe (Kollect Nouvelle-Aquitaine ; Lepinet ; INPN)

L’espèce est connue des prairies sèches et pelouses calcaires, des zones arbustives et claires de forêts avec une végétation clairsemée et une abondance de fleurs sauvages, et des zones côtières et montagnardes des basses altitudes aux zones subalpines.

Le site de découverte, caractérisé par des pelouses sèches bien exposées et une végétation de graminées et d’ombellifères, correspond aux habitats typiques de l’espèce décrits dans la littérature. La présence d’Eryngium campestre, plante hôte de la chenille, sur le site, confirme l’adéquation de cet habitat pour Zygaena erythrus. Cette plante hôte présente sur l’ensemble des coteaux de la région Nouvelle-Aquitaine doit motiver la recherche de nouvelles station de Zygaena erythrus plus au Nord de la région (potentiel de colonisation).

Répartition de Eryngium campestre en Nouvelle-Aquitaine et en France (OBV NA ; INPN)

CONTEXTE DU SITE

La découverte Zygaena erythrus en Nouvelle-Aquitaine, sur les coteaux de Thézac à l’Est du Lot-et-Garonne, site propriété du CEN Nouvelle-Aquitaine depuis 2021, a une altitude comprise entre 190 m et 215 m.

Cet ancien parcours ovin, enrésiné à la fin des années 1960 sur à la déprise de l’élevage, comprend un ensemble de boisements de pins et de cèdres de près de 100 ha, est ponctué de clairière et pelouses sèches. L’individu de Zygaena erythrus découvert a été observé sur les bordures d’une de ces pelouses sèches bien exposées en léger versant Sud/Sud-Ouest avec une pente moyenne de 8%, et atteignant par endroit 14% (D+20m).

La végétation y est relativement dense, principalement de graminées et d’ombellifères. A noter que Eryngium campestre, plante hôte de l’espèce, est bien présente sur site (CEN Nouvelle-Aquitaine). A noter que la parcelle abrite également une petite population de Zygaena sarpedon.

Ce site est caractérisé par la présence de calcaire micritiques en petits bancs alternant avec des bancs marneux à lumachelles. (BRGM, Charm50)

CONCLUSION

La découverte de Zygaena erythrus en Nouvelle-Aquitaine constitue une avancée dans la compréhension de la répartition géographique de l’espèce en lien avec la dynamique du changement climatique sur ces secteurs. Cette observation, validée et enregistrée sur la plateforme Kollect Nouvelle-Aquitaine, enrichit les données disponibles sur Zygaena erythrus, dont les mentions en France étaient jusqu’alors concentrées sur le bassin méditerrannéen, remontant progressivement également en vallée du Rhône et de la Garonne.

La connaissance et les suivis de terrain nous permettent d’étayer certaines tendances de glissement des aires de répartition de certaines espèces vers le nord.

Cette observation démontre l’importance des prospections naturalistes opportunistes pour enrichir les connaissances sur les espèces et l’influence du changement climatique sur leur répartition. Elle souligne également la nécessité de préserver les habitats spécifiques qui soutiennent le glissement des populations sur des latitudes plus au Nord. En élargissant l’aire de répartition connue de Zygaena erythrus, cette découverte ouvre de nouvelles perspectives de recherche, essentielles pour approfondir notre compréhension de cette espèce.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES